C’est l’histoire d’une infrastructure ferroviaire qui s’est métamorphosée, grâce à l’intervention sensible de l’atelier WOA, en un lieu mixte où coexistent joyeusement plusieurs programmes. Transformation, affirmation patrimoniale, mise aux normes et densification. Tous les ingrédients sont présents pour un projet sans précédent.
Le programme est conséquent. On y trouve des bureaux, une résidence hôtelière, un restaurant panoramique, ainsi que plusieurs commerces et des stationnements. Le tout dans l’écrin d’une ancienne halle de fret ferroviaire. Néanmoins, le site est extraordinaire. Son passé industriel interagit avec l’écriture actuelle de ses espaces pour former un lieu hybride qui participe à la régénération de cette fraction de ville., Soulignons cependant qu’au 19e siècle Tourcoing a connu un essor formidable dans les métiers du textile. De la fabrication de tapis jusqu’au tissus d’ameublement en passant par la confection de bas, de bonnets ou de vêtements, tout a marqué l’architecture de la ville avec un vocabulaire architectural typique renforcé par la présence de la brique. Cette matière vient ainsi contraster avec les vitrages, les menuiseries blanches et scandés d’éléments industriels comme les poutrelles d’acier, les sheds et les cheminées.
Aujourd’hui, le quartier qui a vu naître la première gare de la ville, garde plusieurs édifices patrimoniaux de grande qualité. Jouxtant la grande halle métallique abritant les quais, se trouve la halle SERNAM (Service national des messageries) dans laquelle était organisée le transport des colis et des bagages. Malheureusement, le lieu, à l’indéniable potentiel laissé à l’abandon depuis 2012, avait besoin d’une véritable transformation. Quand la ville du nord a entrepris l’aménagement du quartier de la gare, dans le but de le redynamiser, la réhabilitation des immeubles patrimoniaux constituait une priorité.
© Salem Mostefaoui
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En 2018, la Ville de Tourcoing achète la halle SERNAM avant de la céder en 2019 au promoteur Aventim, lauréat de l’Appel à Manifestation d’Intérêt lancé par la ville.
À travers l’implantation de programmes où cohabitent plusieurs fonctions d’usage, il s’agit d’offrir un nouveau souffle à ce lieu tombé en déshérence. Mandatés pour mener à bien le projet, les architectes de WOA ont opté pour le réemploi des briques in situ ainsi que pour la préservation de la façade proche de la gare. Une manière d’assurer la continuité historique du lieu tout en révélant l’âme du site. Il a été décidé de réaliser deux entités volumétriques, tout en optant pour un système constructif mixte bois béton. Une réponse pragmatique à un programme complexe aux diverses qualités.
© Salem Mostefaoui
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Après avoir mené un travail de recherche minutieux et en réponse aux exigences du programme, les architectes se sont rendus compte qu’il ne serait pas possible de maintenir la halle, trop étroite pour un tel programme. De ce fait, il a été décidé de ne conserver que la façade nord de la bâtisse que les architectes ont restaurée avec tact. Le reste du bâtiment historique a été déconstruit par l’entreprise de gros œuvre Donnini. Il s’en suit une phase de démontage, de tri et de nettoyage en vue de recyclage et de réemploi. Ainsi, dans la continuité de l’existant, la façade historique a été prolongée à l’identique, selon les limites de la parcelle et sur une longueur de 120 mètres. Les briques, récoltées lors de la déconstruction, ont trouvé leur place comme parement posé sur la structure en béton du rez-de-chaussée de l’extension.
Grâce au travail du serrurier Bavetta, la marquise a été prolongée à l’identique, elle marque une certaine continuité avec l’existant. Par ailleurs, le quartier est inscrit au patrimoine, ainsi le travail en tandem avec l’Architecte des Bâtiments de France a été fructueux. Il est visible, entre autres, sur la couleur des briques et des joints ainsi que les détails de reprise de la marquise. La continuité de la façade se caractérise par une légère de différence de couleur, assumée par les architectes pour indiquer clairement la différence entre l’ancien et son extension qui utilise les briques de réemploi. Selon les architectes, il ne s’agissait pas de produire une imitation mais de créer une écriture qui célèbre l’ancien tout en possédant sa propre identité. Rappelons que la nouvelle façade abrite les espaces commerciaux ainsi que les halls d’entrée de l’hôtel et des bureaux.
© Salem Mostefaoui
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La façade de l’hôtel et sa modénature renvoient aux diverses constructions de la ville historique. Le volume tertiaire se caractérise par sa façade en bois, tandis que le restaurant qui le surmonte est réalisé en structure bois. La façade, donnant vers le sud, se démarque par ses percements peu nombreux. Ponctuée d’une multitude de loggias, elle évite à ses usagers la surchauffe d’été. Le projet a été réalisé en seulement 18 mois, une gageure. Cela peut s’expliquer par la séparation des principaux programmes en deux chantiers juxtaposés mais autonomes. Le bien-être des usagers est mis en avant, des espaces de convivialité ponctuent ainsi le projet. De même, l’emplacement privilégié de l’hôtel et la vue qu’il offre, jouent un rôle important dans sa fréquentation. L’ensemble a reçu la Pyramide d’argent de 2024 pour « la mixité urbaine », un prix décerné par la Fédération des Promoteurs Immobiliers. Il s’agit d’une transformation joyeuse menée avec habileté par l’Atelier WOA.
Rédaction: Sipane Hoh
A40 architecture urbanisme paysage est une agence établie à Bordeaux avec une succursale à Marseille. Elle réalise des projets variés en France et à l’international. La polyvalence et la créativité sont les mots d’ordre de l’agence qui a su, au fil du temps, s’adapter aux diverses exigences des maîtres d’ouvrage. Et ce en engendrant des...
Camille Laffargue, dirigeant de NJC Economie à Sainte-Catherine, préside l’Union Régionale des Economistes de la Construction (UNTEC). Membre historique du comité de pilotage de NORDBAT, il revient sur son engagement et nous livre son regard sur le marché de la construction.